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Dominique Piveteaud
23 octobre 2010

RENCONTRE AVEC DOMINIQUE PIVETEAUD

Comment définiriez-vous votre travail de plasticien ?

« La fonction de l'artiste est fort claire : il doit ouvrir un atelier, et y prendre en réparation le monde, par fragments, comme il lui vient. »[1] . En ce qui me concerne, je vais au-devant du monde. Le moment qui prépare celui de l’atelier est pour moi avant tout une posture. Je déambule à travers la ville et devant chaque objet qui m’arrête, je m’interroge : comment est-il arrivé là ? Ma cueillette ne se limite pas aux matériaux, zinc, fer, cuivre. Je suis à l’affût de tout ce qui affleure, le long des murs, au raz des trottoirs. Je photographie énormément, un carnet m’accompagne en permanence et je note, je dessine. Parfois je croise une oeuvre qui me donne envie de poursuivre le dialogue auquel elle m’invite et d’en initier d’autres. Un peu partout, je prélève les traces de l’homme sur son environnement urbain

Vos oeuvres sont composées de matériaux urbains. Est-ce la ville qui vous inspire ?

Ce n’est pas tant la ville que l’acharnement et l’imaginaton que développe l’homme pour la construire et la faire disparaître. Je traque les intentions lisibles encore, mais abandonnées. Les murs des villes montrent que l’on n’a pas construit pour toujours. De même, les fragments de zinc vieillissent et en les remplaçant, on jette tout ce dont ils ont été témoins. C’est aussi et avant tout cela que je réccupère. Mon travail interroge la mémoire.

Quelles influences peut-on lire dans votre travail ?

J’évoquerai tout d’abord AntoniTapies, pour ce qu’il dit sur le rôle de l’artiste et la fonction de l’oeuvre, et pour tout ce qu’il peut développer qui s’inscrit en contre d’une conception élitiste de l’art.

Je pense ensuite à Mark Rotkho, pour son travail de composition, les équilibres de couleur et de lumières, et plus récemment, à Sean Scully, dans le même esprit.

Vient ensuite Pierre Soulages, pour son travail sur le noir et sa fabuleuse manière de capter la lumière, dans ce qu’il nomme les « Outrenoirs ».

La rencontre avec François Calvat a été décisive, puisque c’est lui qui m’a fait découvrir le zinc. Son œuvre se construit non pas autour d'un concept préexistant, mais bien à partir de la main qui palpe, découpe, froisse, aplanit, brûle, plie, colle, visse, cloue, rivette, soude et de l'œil qui scrute, apprécie et statue. C’est lui qui a pour moi rendu possible l’idée du volume de la matière, celui qui m’a permis de sortir du plan.

Quel regard portez-vous sur votre parcours atypique ?

Je me suis formé essentiellement dans les ateliers, en marge des écoles et lieux institutionnels. Cela ne fait pas de moi un autodidacte pour autant, mais plutôt un autosociodidacte, c’est à dire quelqu’un qui s’est formé dans l’échange et la confrontation avec autrui. Si mon origine sociale m’interdisait alors de prétendre à des études d’art académiques, ma culture familiale fortement axée sur les valeurs de solidarité, m’a permis de grandir dans l’idée qu’il fallait construire de l’alternative et qu’il n’y avait pas de fatalité. Je ferais volontiers miens les propos d’Antoni Tapiès lorsqu’il dit : «  On trouve toujours à l’origine de la vocation artistique la souffrance vécue lors d’une expérience marquante, et qui tantôt se manifeste brutalement par accident, tantôt prend corps en un long processus. Il n’en demeure pas moins que tout d’un coup, à cause de cette expérience, nous nous rendons compte que se forme sous nos yeux une nouvelle réalité ; nous découvrons que les choses ne sont pas exactement comme on voulait nous faire croire qu’elles étaient, et alors naît une contradiction insupportable entre le milieu dans lequel nous avons grandi et la nouvelle vision qui est le fruit de notre expérience. Un réajustement s’impose donc, et c’est là que commence notre travail de création.. »

Quels sont vos projets actuels ?

Je partage mon temps entre Paris et Berlin. J’investis doucement ce nouvel espace urbain et travaille actuellement sur une série de grands formats que j’espère présenter prochainement.

Interview - Radio Libertaire - 2009
Transcription : Clarisse Blanchaud


[1] Francis Ponge

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Dominique Piveteaud
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